Georges Las Vergnas (1911-1986), prêtre défroqué

CETTE page est consacrée à Georges Las Vergnas (1911-1986), prêtre déconverti qui a écrit deux ouvrages fondamentaux : Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine (1956) où il explique comment l’institution a empêché ou retardé l’évolution morale, politique et sociale des héritiers de l’empire romain ; et Jésus Christ a-t-il existé? (1958) qui montre que l’existence terrestre de Jésus de Nazareth est loin d’être certaine.

Georges Henri Las Vergnas est né en 1911. Sa mère le destinant à la prêtrise, il entre à dix ans au petit séminaire, le collège pour futurs prêtres, et est ordonné à 23 ans au diocèse de Limoges. Nommé vicaire à la cathédrale, il s’oppose vite à la hiérarchie et commence à douter. Ayant fait part de ses doutes à l’évêque, celui-ci l’éloigne de Limoges en le nommant en Creuse (Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine, 1956, pp 7-18).

Durant son exil, Georges Las Vergnas termine une Rencontre du Christ ébauchée à Limoges et envoie le manuscrit à François Mauriac, qui avait écrit une Vie de Jésus en 1936 : l’écrivain lui répondra qu’il est étonné qu’on ne lui «ait pas fait de difficultés».

Ayant quelques loisirs, il lit les anciens professeurs de dogme Joseph Turmel et Prosper Alfaric, mais aussi le Père Lagrange, Thomas d’Aquin, Mgr Duchesne et Voltaire (voir personnes), et rédige 3.000 pages destinées à un dictionnaire d’exégèse et de théologie (Pourquoi j’ai quitté l’Eglise catholique romaine, 1956, pp. 19-20). Il écrit à cette époque son François Villon, paru en 1947 et réédité deux fois par la suite. Il tentera ensuite un roman de théologie-fiction : On a éteint l’Étoile Polaire (1948), qu’il reniera.

Il quitte l’Église à la fin de la seconde guerre mondiale, rencontre Paul-Louis Couchoud et devient le secrétaire d’Henri Vergnolle. Il adhère à la Libre Pensée en 1947 aux côtés d’André Lorulot et Jean Cotereau et commence à donner des conférences en 1952 (Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine, 1956, pp 123-125).

Georges Las Vergnas a également donné des billets radiophoniques et publié des articles dans LA RAISON militante, dont certains ont été rassemblés dans Fleurs d’Orties (1954) et Des Miracles de Lourdes à Teilhard de Chardin (1962).

Ses deux ouvrages majeurs ont été écrits à la fin des années 50 : Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine (1956) et Jésus-Christ a-t-il existé? (1958), tous deux réédités en 1966 à la Ruche Ouvrière. Après une présentation du Cantique des cantiques et l’Écclésiaste (1964), son dernier ouvrage s’intéresse à l’histoire houleuse et complexe du célibat des prêtres : Le célibat polygamique dans le Clergé (1967).

Il semble avoir fait partie du Grand Orient de France, et certains de ses écrits (Fleurs d’Orties et Des miracles de Lourdes à Teilhard de Chardin) le laissent entrevoir panthéiste.

Il meurt en 1986 d’une crise cardiaque.

Liens externes

Œuvres

  1. 1947 François Villon. Poète et clerc tonsuré, Illustré de 12 lithographies de Jean Blanchot, Dargaud ; rééd. chez Maubert & Cie en 1963 et 1967
  2. 1948 On a éteint l’Étoile Polaire, Editions de la Gazelle
  3. 1954 Fleurs d’orties, chez l’auteur (articles ou billets radiophoniques)
  4. 1956 Pourquoi j’ai quitté l’Eglise Romaine, chez l’auteur ; rééd. coll. Comprendre n°2, La Ruche ouvrière en 1966
  5. 1958 Jésus-Christ a-t-il existé? chez l’auteur ; rééd. coll. Comprendre n°3, La Ruche ouvrière en 1966
  6. 1962 Des miracles de Lourdes à Teilhard de Chardin, chez l’auteur
  7. 1964 Le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiaste, La Ruche ouvrière (articles)
  8. 1967 Le Célibat polygamique dans le Clergé, coll. Comprendre 5, La Ruche ouvrière

Aucun des deux ouvrages écrits durant l’éloignement en Creuse, la Rencontre du Christ et un dictionnaire de théologie et d’exégèse, ne semblent avoir été édités, ni le Dictionnaire d’un libre penseur, évoqué dans la dernière note du Célibat polygamique dans le Clergé (p221).

Articles (liste non exhaustive)

Georges Las Vergnas a également écrit des articles, dont certains ont été édités dans Fleurs d’Orties et Des Miracles de Lourdes à Teilhard de Chardin.

Il a exceptionnellement écrit dans le Bulletin du Cercle Ernest-Renan :

1951 · La religion de Pasteur, B-IX, 1-2
1951 · La mort de Claude Bernard, B-IX, 2-3
1969 · Sub ascia, B-155, 28

Conférences (liste non exhaustive)

Conférences au Cercle Ernest-Renan :

1958.01.04 · peut-être La renaissance religieuse et ses causes
1959.11.07 · L’homme moderne face au Christianisme
1962.11.10 · L’agnostique peut-il donner sens à sa vie ?
1969.05.03 · La politique de l’Église
1971.01.08 · Où va l’Église ?

André Bernard, anarchiste et non-violent réfractaire à la Guerre d’Algérie qui écopa de 21 mois de prison, a affirmé que c’est une conférence de Georges Las Vergnas qui l’a décidé à ne jamais être soldat (Guerre d’Algérie, Guerre d’indépendance. Parole d’humanité, L’Harmattan, 2012, p255)

1. François Villon. Poète et Clerc Tonsuré

1947, Dargaud, Illustré de 12 lithographies de Jean Blanchot
1963 et 1967, Maubert & Cie, 240p.

Dédié à Henri Vergnolle, président du Conseil Municipal de Paris. La réédition de 1967 précise «À la mémoire de Henri Vergnolle, qui aima ces pages».

Le François Villon de Georges Las Vergnas, grand amateur de poésie si l’on en croit ses Fleurs d’Orties, est autant évoqué à travers ses vers qu’à travers l’Histoire. Pour bien apprécier l’œuvre, il faudra supporter quelques effets de style :

Au bout de quelques instants, ce fut un immense concert de tous les chiens, chiennes et chenets, dogues, bouledogues, lévriers et levrettes, épagneuls, danois, carlins, briquets, braques, barbets, barbons et griffons. Les voix basses et profondes des chiens-loups et des molosses, des chiens de garde et des chiens clabauds, roulaient comme des vagues hargneuses portant à leur cime, comme une aigrette d’écume rageuse, les petits cris stridents des caniches, le grincement coquet des canichettes, les pizzicati naïfs des canichets. Et c’était les éternuements gavroches des chiens saute-ruisseaux et lève-cuisse dont les cuivres rouillés se mariaient aux crécelles des chiens-chiens de ruelle et de leur manchon, de lit et de table, alors que les mâtins de cour sonnaient de leur trompette, à laquelle se mêlait le lourd tambour des bâtards et des corniauds. (François Villon. Poète et Clerc Tonsuré, Maubert, 1967, p80)

…parfois «rabelaisien» :

Il enviait ces ecclésiastiques lippus, ventrus et joufflus ; ces ventricoles adipeux, ces riches panses, ces croquelardons de haut lard, ces fripes-sauces et écumeurs de pots. Ils s’emplissaient aux gargotailles du matin comme aux crevailles du soir. Et pionçaient lourdement des repaissailles du soir aux morfiailles du matin. (François Villon. Poète et Clerc Tonsuré, Maubert, 1967, p48)

…et deviner les expressions en latin si on ne le sait pas.

Certains passages font également penser au récit Les Copains (1913) de Jules Romains (1885-1972) pour les ambiances de beuverie et l’esprit de canular.

Embuscade-Alcapone consacre une page à François Villon. Poète et Clerc Tonsuré.

2. On a éteint l’Étoile Polaire

Châteauroux, Éditions de la Gazelle, 1948, 236p.

On a éteint l’Étoile Polaire est un roman de théologie/politique-fiction dans lequel Georges Las Vergnas tente d’imaginer ce qui se passerait si par exemple un éminent chimiste, par une expérience détonante, parvenait à prouver l’inexistence de Dieu (sans que nous ne sachions jamais comment).

Il s’ensuit de nombreuses péripéties, où le professeur est à la fois adulé (ou plutôt accaparé) et honni dans une France coupée en deux − faut-il le préciser ?

Le style est un peu vieillot, rappelant celui d’Anatole France.

«Ce roman, qui ne correspond plus à la pensée de l’auteur, ne sera pas réédité», prévient-il dans la présentation de son œuvre en début de ses Fleurs d’Orties (1954). C’est que l’auteur semble finalement renvoyer dos à dos croyants et athées, alors qu’il a pris conscience, au début des années 50, des coups portés à la laïcité par les lois Barangé, Barrachin et Baudry d’Asson finançant l’enseignement privé, c’est-à-dire le plus souvent confessionnel.

3. Fleurs d’Orties

Chez l’auteur, Besançon : Imprimerie Le Comtois, 1954, 96p.

Fleurs d’Orties est constitué de 24 billets prononcés à la radio ou écrits pour LA RAISON militante au début des années 50. Il s’agit de courts portraits critiques, même à l’égard d’Anatole France, auteur qui l’a certainement marqué.

Fidèle à son habitude, Georges Las Vergnas y fait preuve d’érudition et de causticité, et marque souvent son goût pour la poésie.

1. Léon Bloy

L’auteur présente le polémiste Léon Bloy (1846-1917) comme le plus culotté des réactionnaires.

2. Le Don Juan de Molière

Comment un théologien conçoit le débat entre le libertin Don Juan et Sganarelle, qui reprend l’argumentation de Thomas d’Aquin. De plus, en faisant suivre la colère du Ciel d’une pitrerie («saint Thomas» réclame ses gages), la pièce se termine en farce, amoindrissant l’aspect dramatique de la justice divine.

3. Paul Claudel

L’auteur s’insurge contre les courbettes faites à Claudel (1868-1955), dont l’œuvre, fort obscur, est tout sauf personnel. Il rappelle en outre que l’homme public, Ambassadeur de la Troisième République dans l’Espagne franquiste, fut pétainiste en 40 et gaulliste en 44.

4. Georges Bernanos

Ce ne sont pas les romans de Bernanos (1888-1948) que Georges Las Vergnas apprécie, mais les pamphlets, comme Les Grands Cimetières sous la lune (1938), qui témoignent d’une critique chrétienne à l’égard de l’Église, qui s’est compromise avec les pires régimes.

5. Bossuet, Polémiste

L’auteur résume les combats de l’évêque Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704), contre les protestants, le quiétiste Fénelon et l’exégèse biblique : aucune victoire nette à l’époque ; deux franches défaites a posteriori.

6. Fénelon

Dans le combat qui opposa Fénelon (1651-1715) à Bossuet, Georges Las Vergnas se garde de victimiser le premier, dont l’hypocrisie «était anormale même pour un prélat» : s’il se soumit plusieurs fois, ce fut toujours en surface. De plus, s’il était contre la monarchie absolue, ce n’était qu’en vue d’un partage du pouvoir avec la noblesse.

7. Georges Fourest

L’auteur voit dans le poète Georges Fourest (1867-1945) un philosophe rabelaisien.

8. Maurice Maeterlinck

On ne voit pas bien ce que l’auteur trouve au poète-entomologiste (1862-1949, Nobel en 1911), si ce n’est le panthéisme.

9. Les idées politiques d’Anatole France

Las Vergnas nous dépeint un écrivain tellement sceptique à l’égard de la politique républicaine qu’il en devient monarchiste, mais suffisamment anticlérical pour ne pas adhérer à l’Action Française. Anatole France semble pourtant une source d’inspiration pour Las Vergnas, sensible dans le roman On a éteint l’Étoile Polaire.

10. Raoul Ponchon

Évocation par quelques vers de Raoul Ponchon (1848-1937), écrivain anticlérical et amoureux de la dive bouteille, qui rédigea néanmoins un grand nombre d’histoires de Noël.

11. Gœthe

L’auteur se plaît à décrire, références à l’appui, un Goethe (1749-1832) anti-chrétien et même mythiste, mais surtout panthéiste.

12. Descartes était-il cartésien ?

Un Descartes (1596-1650) frileux quant à appliquer son doute méthodique aux choses de la religion, c’est (maintenant) bien connu. Son œuvre fut néanmoins mis à l’Index douze ans après sa mort et le cartésianisme condamné par la Sorbonne, preuve pour Las Vergnas que sa pensée contenait un danger certain pour le pouvoir.

13. La Fontaine

Présentation d’un Jean de La Fontaine (1621-1695) bien moins infantile qu’il n’y paraît, dans ses Fables et surtout dans ses Contes. Néanmoins, Las Vergnas semble surtout vouloir réhabiliter les chats, que le fabuliste utilise pour moquer les ecclésiastiques.

14. Émile Zola

Ode à la volonté contre la fatalité à travers la description de l’investissement d’Émile Zola (1840-1902) dans l’affaire Dreyfus.

15. Joseph de Maistre

Encore un polémiste réactionnaire – que l’auteur admet avoir beaucoup admiré dans sa jeunesse – mais finalement sans contenu derrière un style qui se veut voltairien. Le rappel de certaines prédictions du visionnaire Joseph de Maistre (1753-1821) fait sourire.

16. François Mauriac

Mauriac (1885-1970), qui avait favorablement reçu son manuscrit Rencontre du Christ, est traité avec bienveillance à l’occasion de son Nobel (1952). Las Vergnas trouve dans l’œuvre le difficile art de «marier les contraires sans les faire crier».

17. Charles Maurras

Esquissant la vie de Charles Maurras (1868-1952) en accéléré, l’auteur insiste sur la mésentente entre le royaliste et le comte de Paris (1908-1999), «héritier du trône», ainsi qu’avec Pie XI (1857-1939), montrant que tous ces gens en fait se haïssaient. Il note que cet athée notoire se serait, comme tant d’autres, converti sur son lit de mort, ce dont l’auteur doute.

18. Éloge de l’Académie

De toutes les critiques de Georges Las Vergnas sur l’Académie française, une n’est plus de mise : les femmes y ont accès depuis que Marguerite Yourcenar a enfin levé le verrou machiste… en 1980. Pour le reste, il reproche surtout à cet hospice en bonne société de momifier la langue française depuis trois siècles, appauvrissant la langue et châtrant Rabelais.

19. La mort de Jules Claraz

Encore un converti sur son lit de mort… Bien que ne croyant qu’à moitié à la volte-face de l’ancien prêtre marié Jules Claraz (1868-1944), l’auteur tente de comprendre pourquoi, en vieillissant, l’on retourne volontiers au merveilleux de son enfance, et comprend d’autant mieux les catholiques qui tiennent tellement à conserver «leur» enseignement.

20. Encore elle

L’Académie française, qui compta Ernest Renan (1823-1892) parmi ses membres, ne s’est pas opposée à la débaptisation de sa rue (près de la place de Grève). Une rue Ernest-Renan existe actuellement derrière l’Institut Pasteur (XVe), ainsi qu’une avenue Ernest-Renan (M° Porte de Versaille, XVe) prolongée à Issy-les-Moulineaux par la rue Ernest-Renan.

21. Port Royal des Champs

Une lance brisée en faveur des jansénistes, qui tentèrent de penser leur foi de façon plus rationnelle, et qui préfigurèrent à leur manière le mouvement de Lumières. Dans Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine, Georges Las Vergnas est pourtant très sévère avec Blaise Pascal (1623-1662), mais bien plus pour ses Pensées inquiètes et négatives que pour ses Provinciales.

22. François Rabelais

Pour le quatrième centenaire de sa mort, l’auteur rend hommage à la langue et à la pensée libre de François Rabelais (v1490-1553), curé de Meudon, qu’il trouve bien peu superstitieux pour l’époque.

23. Saint Bernard

Chasseur d’hérétiques et fondateur de monastères plutôt que d’écoles et d’hospices, Bernard de Clairvaux (v1090-1153), qui prêcha la seconde croisade (1146), fut plus prudent que Pierre l’Ermite (1053-1115) qui embarqua avec la première (1095) pour en mourir. L’auteur en examine les nombreuses conséquences, toutes malheureuses, pour les orthodoxes et les musulmans, ainsi que la ruine pour ceux qui sont restés au pays et les rares qui y sont revenus. Bref, un crime contre l’humanité profitant à l’Église, qui s’est ainsi constitué de grands domaines à base de parcelles confisquées ou en déshérence.

24. À André Lorulot

Sonnet en alexandrins paru dans la L’Idée libre de juillet/août 1954 : «À André Lorulot pour ses “noces d’or” avec la Libre Pensée».

4. Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine

Chez l’auteur, Imprimerie Le Comtois, Besançon, 1956, 136p.
Collection Comprendre n°2, La Ruche Ouvrière, 1966, 135p.

Il s’agit du témoignage de la déconversion d’un homme destiné par sa mère à la prêtrise et qui rompit avec l’Église après quelques années de sacerdoce. Outre les aspects biographiques confinés aux premier et dernier chapitres, Georges Las Vergnas nous fait surtout part de ses réflexions sur les dogmes, les écritures et les sacrements, et de leur influence sur la morale, les conceptions sociales et politiques du christianisme en général, et de l’Église romaine en particulier.

1. Pourquoi j’ai quitté l’Église catholique romaine

Ce premier chapitre parle de la jeunesse de Georges Las Vergnas à partir de son entrée au petit séminaire à 10 ans jusqu’à son exil en Creuse pendant la seconde guerre mondiale, quatre années d’intense activité intellectuelle, dont la rédaction de 3.000 feuillets en vue d’un dictionnaire d’exégèse et de théologie, non publié semble-t-il, mais qui a préparé son œuvre.

2. L’écriture sainte

Une lecture attentive de la Bible montre à l’évidence une évolution dans la mentalité du peuple hébreu, les livres les plus récents révisant ou contredisant en général les plus anciens. On voit l’évolution à l’œuvre dans les conceptions de l’âme, mais surtout dans le passage d’un dieu-potentat oriental parmi d’autres au dieu unique des prophètes, qui s’est entre temps amendé.

3. Le dogme

Une autre évolution de la bible juive est l’amoindrissement de la faute héritée : nous passons de la damnation punissant les générations futures (jusqu’à la 4e pour ceux qui haïssent Dieu, dans le Décalogue en Exode 20:5) à un destin individuel où les fils ne paient plus pour leurs pères (Deutéronome 24:6), leçon ignorée d’Augustin d’Hippone (354-430), qui inventa le péché originel. Le chapitre évalue aussi les dogmes de l’enfer, de la rédemption, de la prédestination et de la trinité, qui servent tous à contraindre ou désorienter le chrétien.

4. Les sacrements

L’auteur compare à plusieurs égards les sacrements à une magie peu en rapport avec la morale, car les sacrements ne sont pas nécessairement accessibles à tous et tout le temps, comme une confession ante mortem et l’extrême-onction qui permettent de gagner le paradis bien plus facilement.

5. La morale

Pour Georges Las Vergnas, la morale doit s’adapter à l’humanité : l’homme survivant à ses dieux, c’est sur lui qu’il faut baser la morale. S’il était bon, par exemple, pour le peuple d’Israël de croître et de multiplier il y a 3.000 ans, l’auteur en appelle au contrôle des naissances. De plus, le prêtre, par une morale momifiée dans les dogmes, est un policier plutôt qu’un moraliste.

6. La politique

Partant de l’idée que l’esprit est supérieur à la matière, l’Église ne peut accepter la démocratie ni la laïcité ; le pape étant le successeur de saint Pierre, il est le seul chef : l’Église est donc monarchique et totalitaire. L’auteur cite les textes plus ou moins récents (en 1956) du XIXe et XXe où l’Église catholique romaine réaffirme cette position. Par ailleurs, l’Église catholique s’est compromise avec Franco et Mussolini, a aimé les très catholiques Canada, Portugal et Irlande, a fomenté un coup d’État en Argentine lorsque Juan Perón a voulu la laïciser… L’Église est son propre but, et est prête à tout ce qui peut la conforter.

7. Le social

Ce chapitre étonnera peut-être tant il semble évident pour beaucoup que l’Église a toujours œuvré pour les humbles et, prêchant l’égalité devant Dieu, serait même à l’origine des Droits de l’Homme. En fait, l’Église n’est que hiérarchie et n’a jamais remis l’ordre social en question : elle n’a combattu l’esclavage qu’au moment où il était en perte de légitimité et les encycliques «sociales», toujours ambiguës, n’ont fait que suivre (de loin) les conquêtes ouvrières.

8. Vers la libre pensée

Ce dernier chapitre revient à la biographie de l’auteur, son entrée dans la vie civile et professionnelle dans le début d’après-guerre et ses rencontres avec Couchoud et Lorulot (voir personnes). L’arrivée de lois favorables au catholicisme (les lois «Barangé») le pousse à adhérer à la Libre pensée, à se lancer dans les conférences et à écrire des articles.

Vous trouverez ici cinq pages de citations tirées de l’ouvrage.

5. Jésus-Christ a-t-il existé?

Chez l’auteur, 1958, 153p.
Collection Comprendre n°3, La Ruche Ouvrière, 1966, 144p.

Il s’agit d’un ouvrage fouillé et concis autour d’une question a priori curieuse, celle de l’existence historique de Jésus de Nazareth, assurément l’un des personnages les plus connus au monde.

Après son Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine (1956), Jésus-Christ a-t-il existé? examine la littérature chrétienne, en ce compris les écrits des pères de l’Église et des auteurs contemporains, pour constater que l’historicité de Jésus de Nazareth est loin d’être prouvée. L’ouvrage est également une réponse aux apologistes chrétiens qui réagirent à la crise moderniste du début du XXe.

1. Le problème

L’auteur se borne, dans ce chapitre de quelques lignes, à relever deux positions catégoriques et opposées sur le sujet, l’obligeant à reprendre lui-même le problème.

2. Les sources

Que nous racontent les sources profanes sur Jésus ? Vraiment pas grand-chose, et ces quelques traces semblent toutes sujettes à caution. Il n’est, de plus, question de chrétiens qu’au second siècle. Georges Las Vergnas en conclut qu’il en sera réduit à ne considérer que les ouvrages chrétiens.

3. Saint Paul

L’auteur pense que Paul de Tarse a plus de probabilité d’avoir existé que Jésus, bien que les épîtres soient à l’évidence une création collective. Celles-ci décrivent un Jésus-Christ fantomatique, descendu sur terre pour mourir, ressusciter et retourner au Ciel. De plus, Paul dénie aux apôtres de Palestine (réduits à Pierre, Jacques et Jean) une plus grande connaissance de Jésus qu’il n’en a, ce qui est étrange si ces derniers ont vraiment suivi Jésus et vécu avec lui.

4. Les évangiles

Georges Las Vergnas bat en brèche l’idée que les évangiles ont été écrits au premier siècle par des proches de Jésus. Ils résultent en fait d’apports qui s’échelonnent sur plusieurs siècles, et n’ont cessé d’être réécrits : les commentaires des Pères de l’Église en témoignent. Par ailleurs, c’est pour des raisons de dogmatique et non d’historicité que quatre d’entre eux ont finalement été choisis pour faire partie du canon actuel.

5. La tradition

Les tout premiers chrétiens dont on a connaissance n’ont pas d’existence historique, et la liste des premiers papes n’est connue que par l’inventeur d’histoires fabuleuses Papias, lui-même connu par Eusèbe qui vécut au IVe siècle et qui a également raconté pas mal de fables.

6. Le témoignage des martyrs

Parmi ces chrétiens de l’aube, beaucoup de martyrs semblent eux aussi davantage appartenir à la tradition qu’à l’histoire, même Pierre dont aucun texte canonique n’affirme qu’il est allé à Rome, ou Paul, qui attend toujours son procès à la fin des Actes des Apôtres. Par ailleurs, les causes et les circonstances des martyres peuvent être assez diverses pour un même personnage, les différentes traditions ne concordant pas toujours.

7. Conclusion de la première partie

Il s’agit d’une simple page pour rappeler qu’un simple récit ne suffit pas comme preuve d’affirmations extraordinaires.

8. Qu’est-ce qu’un évangile ?

L’auteur commence ce chapitre en rappelant que les évangiles sont écrits «afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom.» (Jean XX-31) Il s’ensuit que chaque évangile est d’abord une catéchèse ; leurs nombreuses contradictions viennent de ce qu’ils n’ont pas été écrits pour témoigner, mais sont plutôt des récits symboliques où chaque verset a sa raison particulière, et son âge, «qu’il ne dit pas facilement».

Une mauvaise paraphrase de l’«Ancien Testament» a également alimenté la rédaction des évangiles, d’où parfois des contradictions dans le même écrit, que l’apologétique tente d’expliquer comme elle le peut.

9. L’évangile est un rituel

Une source probable des évangiles est le jeu dramatique tel que nous apparaît la passion du Christ, qui fait plus penser à un drame joué qu’au récit d’un procès et d’une mise à mort. Les invraisemblances y sont nombreuses, les personnages et la foule paraissent réglés comme dans une mise en scène, à l’égal des religions à mystères auquel le christianisme ressemble par certains côtés.

10. Comment naquit le mythe de Jésus

Il est difficile de résumer en quelques lignes le développement d’un mythe… Certains juifs attendaient un messie et avaient récolté de la Bible les prophéties le concernant. Après la destruction du Temple et l’écrasement de la dernière révolte, des milliers d’opposants furent crucifiés. Des mystiques y ont vu le peuple d’Israël ; le messie, qui n’avait pas encore apparu, finit par le remplacer, d’abord de façon symbolique (voir l’Apocalypse), puis de façon réelle.

11. Réponses aux objections

Georges Las Vergnas répond abondamment à l’objection des frères de Jésus, question épineuse pour les catholiques, qui ne pourrait donc pas avoir été inventée. Notons cependant que si les réformés ne s’en formalisent pas et que si les orthodoxes évoquent les premiers enfants de Joseph, demi-frères de Jésus, les catholiques retiennent l’explication peu convaincante de la confusion entre les mots «frère» et «cousin», que le grec, langue des évangiles, distingue.

La seconde objection, plus intéressante, est que personne dans les premiers siècles n’a nié que Jésus a existé. L’auteur répond que c’est une affirmation osée, puisque les chrétiens se sont vantés d’avoir fait disparaître les ouvrages gênants, et que l’on ne connaît l’ouvrage de Celse contre les chrétiens Discours véritable (v178) que par la réfutation chrétienne d’Origène (v185-253), Contre Celse (v248) : l’original a disparu. Par ailleurs, l’évhémérisme était généralisé parmi les sceptiques : une longue tradition voyait les dieux comme des humains divinisés.

D’autres objections reposent sur l’importance que les chrétiens accordent à leur religion : on ne pourrait comprendre l’histoire du christianisme sans Jésus ; si une telle histoire avait été inventée, son inventeur serait encore plus extraordinaire que l’histoire même… Le problème de cet argument est qu’il fonctionne pour toutes les croyances majoritaires, présentes ou passées.

12. Conclusions

Ce chapitre traite des auteurs (Renan, Loisy, Gignebert…), qui tentèrent de dégager le vrai du faux dans les évangiles, qui ont été capables d’aligner plusieurs arguments d’ordre mythiste pour finalement conclure dans le sens historiciste. Las Vergnas cite d’autres auteurs croyants pour qui il y a mieux à faire que de s’intéresser à la thèse mythiste, ou qu’elle a suffisamment été réfutée… C’est le slogan actuellement martelé sur plusieurs pages de Wikipedia à propos de la thèse mythiste.

Vous trouverez ici quelques pages de citations de l’ouvrage.

6. Des Miracles de Lourdes à Teilhard de Chardin

Chez l’auteur, 1962, 136p.

Il s’agit de Sept conférences ou Études faites par Georges Las Vergnas.

1. Lourdes et le Miracle – p7

2. L’homme moderne face au christianisme – p35

«La théologie assure en mauvais latin que l’innocent Jésus se substitua au coupable et, par sa mort, apaisa la justice de Dieu. Étonnante justice et Dieu étrange : il s’offre en sacrifice à soi-même et s’estime alors satisfait.»

«Le péché originel, entre autres, crée ce complexe de déchéance si propice à la résignation et favorise «l’ordre» par l’immobilité, ce doux rêve de tous les gouvernants. Adam, en effet, aurait transmis son bonheur à ses descendants s’il avait su le conserver ; à défaut, il leur leur légua la chute et la punition. Ce mythe suggère que l’enfant hérite justement de son père le bien ou le mal, la richesse ou la pauvreté. Le fils du noble sera titré dès la naissance et celui du plébéien roturier jusqu’à la tombe, sauf grâce du prince, lieutenant de Dieu. Le péché originel légitime logiquement le régime des castes.»

3. Les deux Morales – p53

4. La mort, simple passage – p71

«Avoir trente ou quarante ans, c’est, au contraire, ne plus les avoir. Où est l’enfant que nous avons été? Il est plus loin de nous que cet étranger qui, lui, a notre âge. Nous avons déjà enterré plusieurs nous-mêmes à qui nous ne ressemblons plus. Notre mort totale après ces morts partielles ne sera pas la seule mais la dernière.»

«Ce qui nous rend plus précieuse la chair, c’est d’être si fragile – et qui lui donne une beauté plus profonde et plus pathétique où s’enfièvre la volupté. Seul nous attache vraiment ce qui nous quitte et ne sera jamais remplacé.»

«La mort est moins extraordinaire que la naissance, car c’est une sorte de miracle que nous soyons là, malgré des milliards de probabilités contraires. La mort termine une aventure invraisemblable, presque abusive. En nous remettant à la fonte, elle nous fait rentrer dans la norme.»

5. L’évolution du rationalisme – p87

6. L’agnostique peut-il donner un sens à la vie ? – p107

«La liste des Prix Nobel de littérature m’apprend ces noms : Echegaray, Eucken, Pontoppidan, Spitteler et Deledda, mais j’y cherche en vain Ibsen et Tolstoï, Proust, Apollinaire et Péguy.»

7. Teilhard de Chardin – p121

Article paru dans le Courrier rationaliste d’août 1960. Las Vergnas considère que, tout compte fait, le jésuite paléontologue est panthéiste.

«Ce Surnaturel tombé d’en haut est inutile s’il confirme la raison et est dangereux qu’il s’y oppose. Au surplus il permet tous les abus à ceux qui s’en disent, sans preuve aucune, les distributeurs patentés.»

7. Le Cantique des Cantiques et L’Ecclésiaste

La Ruche ouvrière, 1964, 88p

Georges Las Vergnas a choisi de présenter deux livres de la bible juive, dont l’un tranche sur les autres par sa note sensuelle (Le Cantique des Cantiques, «épiphanie de fleurs multicolores et capiteuses»), et l’autre, frondeuse (L’Ecclésiaste, «rose noire sans parfum»). L’auteur a traduit les deux textes en vers libres, sans numérotation de versets.

Le Cantique des Cantiques

Georges Las Vergnas voit dans le Cantique des Cantiques un poème classique où l’amour d’une jeune fille pour un berger surpasse la puissance d’un roi.

Contre Voltaire, qui y voyait une rhapsodie inepte, et d’autres, dont Renan, qui y voyaient un drame scénique, Las Vergnas pense qu’il s’agit d’un drame chanté, plus conforme à la Loi juive qu’une représentation théâtrale.

L’argument du Cantique est de «montrer que la femme ne s’éveille que par l’amour. Née du sommeil de l’homme, d’après l’Écriture, l’aimé seul la tirera de son propre sommeil» (p13)

L’Ecclésiaste

Georges Las Vergnas nous dépeint l’auteur de l’Ecclésiaste en sceptique, pour lequel «Il n’y a rien de nouveau sous le soleil» (I, 9) et «Tout est vanité» (I, 2), et en épicurien («Malheur à l’homme seul !» IV, 10), agnostique, matérialiste, voire existentialiste.

Le traducteur estime que les interpolations rabbiniques sur la prière, les sacrifices ou offrandes rendent le texte incompréhensible : il ne les a pas incluses.

8. Le Célibat polygamique dans le Clergé

collection Comprendre n°5, La Ruche Ouvrière, 1967, 224p

Il est question dans ce dernier ouvrage du mariage des prêtres dont on parle depuis des dizaines d’années, et si le débat semble retomber, c’est peut-être parce qu’il y a sous nos latitudes beaucoup moins de prêtres, ou qu’ils font bien ce qu’il veulent.

Même si Paul VI a rappelé dans son encyclique «Sacerdotis Caelibatus» du 24 juin 1967 la nécessité du célibat des prêtres, et que Jean-Paul II a retiré en 1979 le droit de dispense, il semblerait que l’Institution ait tergiversé de nombreux siècles à ce sujet, ou que ses décrets ne furent pas respectés. C’est le propos du livre.

Et puis ce 12 septembre 2013, Pietro Parolin, le nouveau secrétaire du Vatican, a annoncé que le célibat des prêtres n’était pas un dogme mais un précepte qu’il était possible de discuter. Dans la foulée, on apprend qu’un prêtre français sur cinq vivrait une relation amoureuse.

Table des matières

On y apprend dans sa toute dernière note (p221) que le livre a été amputé d’un bon tiers, à retrouver dans les articles d’un futur Dictionnaire d’un libre penseur, «à paraître». Il n’est manifestement jamais paru, du moins sous son nom.

9. Personnes

Personnalités dont il est question dans la biographie de Georges Las Vergnas.

Alfaric, Prosper (1876-1955)

Prêtre et professeur de Philosophie au Grand Séminaire de Bordeaux puis de Dogme à Albi. Il devient progressivement sceptique par la lecture des philosophes rationalistes et des modernistes comme Loisy et Lagrange. Il quitte l’Église en 1908, puis devient professeur d’Histoire religieuse à Strasbourg. Il reçut l’excommunication majeure en 1933, vitandus (que tout catholique doit éviter).

Le dernier ouvrage est une réédition de nombreux articles des Cahiers du Cercle Ernest Renan, dont Jésus a-t-il existé? (1932), Comment s’est formé le mythe du Christ ? (1947), Le problème de Jésus (1954) ainsi que d’autres articles sur Marie et Fatima, la naissance du christianisme et de l’Église. Plus de précisions sur cette page.

Cotereau-Viala, Jean (1898-1979)

Rédacteur en chef de LA RAISON militante à sa création en 1946, organe de la Libre Pensée ; président de la Libre Pensée Mondiale de 1963 à 1973.

Voir également cette page.

Couchoud, Paul-Louis (1879-1959)

Médecin, orientaliste et poète, tenant de la thèse mythiste.

Duchesne, Louis (1843-1922)

Chanoine, historien, académicien et directeur de l’École française de Rome ; il est un des précurseurs du modernisme.

Lagrange, Marie-Joseph (Albert Lagrange, 1855-1938)

Dominicain fondateur de la Revue Biblique avec Pierre Batiffol et de l’École biblique de Jérusalem.

Lorulot, André (1885-1963)

Anarchiste, puis animateur de la Libre Pensée.

Mauriac, François (1885-1870)

Écrivain, académicien et Nobel de littérature en 1952, il a écrit pour Le Figaro et L’Express.

Thomas d’Aquin (v1224-1274)

Théologien et philosophe dominicain.

Turmel, Joseph (1859-1943)

Prêtre et professeur au Grand Séminaire de Rennes, excommunié en 1930. Son histoire des dogmes montre que ceux-ci ont beaucoup varié au cours des siècles. Voir la thèse mythiste

Vergnolle, Henri (1891-1958)

Architecte, journaliste au quotidien Le Populaire du Centre. Élu aux élections municipales de 1945 dans le VIe arrondissement, il devient président du Conseil Municipal de Paris en 1946 et le reste jusqu’en 1953. Il a engagé Georges Las Vergnas comme secrétaire au sortir de la seconde guerre mondiale ( Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine 1956:124, le Villon lui est dédicacé).

Voltaire (François Marie Arouet, dit ~, 1694-1778)

Écrivain, fabuliste et mémorialiste.