Réponse aux croyants

DOUTER de tout et tout croire, ce sont des positions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir. - Henri Poincaré, La Science et l'Hypothèse, Champs-Flammarion, 1968 (1902), p24.

Et pourtant ça marche, c'est prouvé!

Au mieux, cela marche tant qu'on ne l'expérimente pas avec des personnes qui n'en sont pas convaincues d'avance, comme le reconnaissait Jean Dierkens, psychologue et parapsychologue. Jusqu'à présent, les phénomènes paranormaux et les disciplines parascientifiques ne peuvent qu'être objet de croyance, n'ayant jamais eu de confirmation scientifique. Mais une chose pourrait être véritable sans être scientifiquement établie: il serait tout à fait incongru de vouloir démontrer scientifiquement l'amour qu'on éprouve pour son conjoint… Il faut donc cesser d'invoquer la science pour justifier des croyances!

Quelle idée absurde de vouloir prouver qu'une chose n'existe pas

Il est effectivement difficile de prouver qu'il n'existe pas de chat mauve sur une planète d'un système solaire d'une autre galaxie… et ce n'est pas aux sceptiques de le faire. Cependant…

Il faut recontextualiser la naissance du scepticisme en Belgique. Le Comité Para s'est constitué lorsqu'un commissaire au rapatriement s'était rendu compte que des familles avaient recours à des voyants pour retrouver les disparus de la guerre 40-45, moyennant finances, mais sans résultats apparents.

Actuellement, on entend parfois parler de procès de victimes contre des charlatans qui leur ont fait payer très cher des résultats qui n'arrivent pas.

En fait, le scepticisme face au paranormal veut pousser les tenants de toutes théories à prouver ce qu'ils avancent. Rien que cela, et cela semble déjà trop.

La science évoluant, admettra un jour la réalité du paranormal

Bien malin qui peut dire comment la science évoluera, et les nouvelles découvertes qui seront faites.

D'autre part, tout ce qu'on croit ne deviendra pas automatiquement vrai (ce serait trop beau). Certains sophismes permettent aussi de justifier certaines croyances comme devenant bientôt scientifiquement prouvée:

Mais ce n'est pas parce que qu'on admet actuellement quelque chose qui paraissait absurde auparavant, que tout ce qui semble absurde sera admis, tôt ou tard!

Mais ce n'est pas parce ses effets étaient réels bien qu'inexplicables que tout ce qui est actuellement inexplicable est nécessairement réel.

Pour d'abord savoir si quelque chose est réel, il faut une expérimentation selon une méthodologie éliminant les erreurs humaines, par exemple par l'expérimentation en double-aveugle. Selon cette méthode, ni le sujet ni l'expérimentateur en contact avec le sujet ne sont au courant des données de l'expérience, ce qui garanti que la sensation ou l'observation est libre de toute influence. À ma connaissance, aucune expérience concernant le paranormal ayant donné des résultats positifs n'ont été tentées en double-aveugle.

Einstein disait pourtant qu'on n'utilisait que 10% du cerveau!

Einstein, qui utilisait probablement bien son cerveau, n'était pas nécessairement le mieux placé pour dire comment fonctionnait son intelligence (les champions de tennis ne sont généralement pas les ingénieurs qui conçoivent les raquettes ni les physiologistes qui expliquent le fonctionnement optimal de l'athlète).

Où en étaient les sciences du cerveau et les théories de l'intelligence en 1955, date de la mort d'Einstein? Elles ont certainement évolué depuis, et il conviendrait de citer des études plus récentes (et non une opinion).

Il faut également préciser ce que signifie «utiliser 10% du cerveau», car cela peut concerner le volume du cerveau utilisé, sa puissance, sa rapidité, sa complexité…

Par ailleurs, faire appel à un physicien pour tenter d'évaluer des capacité du cerveau, problème peut-être plus complexe humain qu'un système cosmologique, est très certainement un exemple de scientisme, qui accompagne souvent la croyance au paranormal.

De plus, tout ceci n'élude pas la question cruciale de savoir où et quand l'illustre savant aurait prononcé cette bêtise complaisante.

Enfin, utiliser l'«entièreté» de notre cerveau (c'est-à-dire dix fois plus) ne devrait pas nécessairement permettre la télépathie, la lévitation, etc. Il y a ici une grande confusion entre quantité et qualité.

Il ne faut pas tuer toute poésie, ni empêcher les gens de rêver

La croyance au paranormal ne totalise pas, heureusement, toute la poésie et n'est pas à l'origine de toute création artistique. Mais je conteste même qu'elles aient beaucoup de rapport avec la poésie:

Les disciplines parascientifiques (astrologie, morphopsychologie, phrénologie, biorythmes, numérologie, chiromancie…) ont surtout un aspect classificatoire et déterministe qui n'est certainement pas plus poétique que la psychologie moderne ou la systématique en biologie.

Cela vous fait-il rêver d'apprendre que si vous êtes grognon, c'est parce que vous êtes capricorne ascendant vierge? Je trouve que c'est inutile (si je suis grognon, je dois surtout apprendre à vivre avec les autres, ou sans eux). Mais cela peut de plus amener un fatalisme («Si c'est écrit dans les astres…») et une déresponsabilisation. Il est plus humain d'apprendre ses qualités et ses faiblesses par discussion avec les autres, en vivant, plutôt qu'en tâtant les bosses de son crâne, en additionnant les chiffres de sa date de naissance, ou en mesurant la largeur de ses maxillaires.

Les phénomènes parapsychologiques (télépathie, voyance, radiesthésie, prémonitions, lévitation…) confortent surtout l'idée qu'on a plus de pouvoirs qu'on ne le croit. En matière de rêve, il s'agit surtout de rêves de puissance, peut-être destinés à compenser des aspirations déçues.

Il est difficile d'y voir de la poésie.

Cela ne peut de toute façon pas faire de mal!

Tout ce qui favorise la crédulité peut facilement être utilisé à des fins très discutables, sinon immorales, ou encore avoir des effets désastreux:

Notes: on a parlé par ailleurs de sectes sataniques à l'origine de meurtres rituels ou de vengeance, comme l'assassinat par Charles Manson de Sharon Tate, la femme de Roman Polanski, qui avait réalisé le film «Rosemary's baby», traitant de satanisme. Mais ces «faits» ou leur cause ont le plus souvent été relatés ou exploités par les journaux à sensation. Il s'agissait probablement d'un déséquilibré. Mais la croyance à Satan a peut-être accentué ce déséquilibre, et est donc indirectement responsable du meurtre.