L'anthroposophie

SECTE ou pas secte? Les avis sont partagés. Selon un rapport de 1997 des Renseignements généraux de Belgique et le Rapport parlementaire français sur les sectes et l'argent (1999), il s'agit bien d'une secte, bien que le terme semble impropre à qualifier les mouvements religieux (ou «philosophique») communautaristes minoritaires.

L'anthroposophie est issue d'une réaction chrétienne à la Société Théosophique d'Helena Blavatski. Le mouvement anthroposophique, qui se réfère à la pensée de Rudolf Steiner (1861-1925), comprend les écoles Waldorf (ou «Écoles Steiner», l'agriculture biodynamique, l'industrie bio-cosmétique Weleda… et la banque Triodos, même si toutes ces émanations n'en dépendent pas nécessairement.

Steiner était-il raciste?

Le problème du mouvement anthroposophique est de sans cesse se référer au Maître. Rudolf Steiner s'est éteint en 1925, et à cette époque, l'anthropologue Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) écrit encore L'âme primitive (1927) qui ne remet pas en question les distinctions entre «primitifs» et «blancs», mais commence à critiquer l'analogie entre primitif et enfant. Dans l'édition posthume (en 1949) de ses Carnets, nous apprenons qu'il reconnaissait que les occidentaux n'étaient pas eux-mêmes toujours rationnels. On doit à Claude Lévi-Strauss (1908-2009) un texte, qui paraît dans le contexte de la décolonisation, qui montre que la pensée humaine est la même partout avec La pensée sauvage (1962).

Au début du XXe, la vision anthropologiste était en fait encore grandement évolutionniste, chaque «race» étant à un stade déterminé d'évolution, les blancs se supposant les plus évolués: les noirs étant encore au stade de l'enfance, les asiatiques au stade de l'adolescence, et seuls les blancs étaient arrivés à l'âge adulte. Il ne faut pas réclamer de Steiner qu'il soit plus au fait que tout le monde (bien qu'il ait pensé l'être). On peut s'amuser de constater qu'il tire une science immuable des idées largement répandues à son époque; on peut néanmoins exiger de ses épigones actuels qu'ils se mettent à jour.

Ce qu'en pensait Stephan Zweig

Au chapitre 6 «Universitas vitae» de son Monde d'hier, Stefan Zweig décrit ses impressions lors d'une conférence de Rudolf Steiner qu'il a suivie dans sa jeunesse. Il voyait en Steiner un séducteur plutôt qu'une autorité, bien moins convainquant lorsqu'on évitait de se laisser hypnotiser par son regard sombre et son visage ascétique. Zweig ajoute, quelques années plus tard, qu'il attendait de son génie intuitif plus de grandes découvertes scientifiques qu'une école philosophique platonicienne.

Bibliographie